À Madagascar, un vent de colère souffle sur le marché aux zébus d’Ivohitra à Antsirabe. Le climat des affaires n’est pas bon pour les éleveurs de bovins… Conséquence de l’inflation : il est de moins en moins intéressant de vendre, et de plus en plus difficile d’acheter une bête. Loin de bouder l’élection présidentielle, ces paysans promettent de se faire entendre le 16 novembre.
À l’entrée du marché, 200 bêtes agglutinées : des zébus, reconnaissables à leurs cornes dressées et leurs bosses, mais aussi des taureaux, des vaches et même des porcs. Peu importe l’animal, ici, la question de la hausse des prix, fait consensus entre acheteurs et vendeurs.
Edmond, entouré de ses 33 bêtes, possède l’un des plus gros troupeaux du marché. « Le plus gros zébu là-bas coûte 1 700 000 ariarys. Avant, c’était entre un million et 1,2 million d’ariarys. Le coût de la vie a augmenté, c’est pareil pour le prix de bovin. Alors les vendeurs, comme moi, réalisent parfois un léger bénéfice. Mais malheureusement, cela pénalise vraiment les acheteurs, qui souvent sont obligés d’y renoncer », indique Edmond.
Quelques mètres plus loin, impossible de louper la silhouette de Janson. Le tee-shirt orange vif de ce vendeur, à l’effigie du président sortant attire l’œil. Mais il ne s’agit en rien d’un tee-shirt d’adhésion, assure-t-il. « Oh non. En vérité, ce tee-shirt ne m’oblige en rien à voter pour Rajoelina, chacun son choix. Le mien, c’est un de mes proches vivant en ville qui me l’a donné après sa distribution gratuite », dit-il.
« On exploite les éleveurs »
Pourtant, Janson est loin de se détourner de l’élection présidentielle à venir. Vu la flambée du prix des aliments de base pour ses bêtes, l’insécurité dans les campagnes, il promet un vote de colère : « L’élevage souffre actuellement, la terre est devenue sèche, on n’a presque pas d’eau pour arroser le fourrage ! Le gouvernement ne fait rien pour les éleveurs, au contraire, on les exploite. Vous voyez, par exemple, le carnet du bovin, on doit le changer chaque année en payant 12 000 à 15 000 ariarys. Un carnet dure normalement cinq ans ! », s’exclame-t-il.
Martial, lui, slalome avec prudence entre chaque petits groupes, suivi de près par ses bêtes. Le regard inquiet de celui qui n’a pas vraiment l’habitude du marché. « Moi, je débute toute juste dans le métier. Alors ce que j’attends du prochain président, c’est que le gouvernement m’aide à être égal aux autres éleveurs, pour devenir plus professionnel. Ce qui est sûr, j’irai voter, on a ce devoir en tant que citoyen », explique Martial.
Au contraire de Martial, de nombreux éleveurs ont dû abandonner leur bétail, frappés de plein fouet par les tensions politiques de 2009, 2018, puis récemment le Covid. Ceux qui restent espèrent aujourd’hui un soutien à la hauteur de leur poids : à Madagascar, les éleveurs bovins représentent plus d’un tiers des ménages.