Ces dernières années, la présence de chalutiers « chinois » près des côtes de Grand-Bereby irrite les quelque 2 000 pêcheurs de la zone. La mise à disposition d’une vedette de patrouille à la police maritime par une ONG de protection de l’environnement aurait permis de réduire leurs incursions. Ces bateaux accusés de surpêche et pratiques irresponsables continuent toutefois de pénétrer dans la première aire marine ivoirienne protégée, au large. Le reportage de François Hume-Ferkatadji.
La vedette file à vive allure sur une mer calme et azur. À son bord, le lieutenant Guivé, chef de la police maritime de Grand-Bereby, équipé d’un fusil kalachnikov rouillée en tout point. Il salue la mise à disposition de ce bâteau : « C’est important parce que l’aire marine protégée a été créée. Donc il fallait un matériel de mobilité pour pouvoir contrôler et surveiller la mer. Parce que, lorsque les Chinois viennent, vous voyez qu’ils râclent tout le poisson. Donc, il y a une aire dans laquelle ils ne doivent pas pêcher. »
La première aire marine protégée de Côte d’Ivoire a été créé en juillet 2022 et fait la taille d’un département. Le bateau de la police maritime permet la surveillance d’une infime partie de cette espace : de 5 à 10 kilomètres des côtes maximum. « Heureusement pour nous, il n’y a plus de bateaux qui viennent, poursuit le lieutenant Guivé. Parce qu’avant on pouvait se retrouver avec 5 bateaux, 6 bateaux, 7 bateaux. Mais maintenant, quand on y va, on ne les voit pas non plus ».
Les bateaux de pêche s’éloignent désormais des côtes ou se reportent sur les zones de Tabaoulé ou Sassandra. Pour protéger la baie, la collaboration des pêcheurs artisanaux est essentielle. Koffi, pêcheur d’origine ghanéenne, s’autorise un temps de repos sur la plage après une nuit en mer : « Avant les pêches en bateau nous fatiguait beaucoup. Maintenant, avec la police maritime, j’ai leur numéro. Donc, si je vois les chalutiers quelque part, je les appelle, ils sont là et ils n’ont qu’à venir. Grâce à ça, les bateaux se sont un peu éloignés. Mais, souvent, ils se cachent pour venir voler dans l’endroit où c’est interdit d’aller pêcher. »
À Grand-Bereby, la population de poisson diminue drastiquement
Pour les pêcheurs, les chalutiers « chinois » représentent la principale menace. Mais d’autres éléments viennent troubler leur activité. Les tortues marines et les dauphins déchirent leurs filets. Devant nos yeux, deux dauphins tentent de pénétrer dans un grand filet, qu’une quinzaine de pêcheurs remontent à la force des bras.
L’ONG CEM (Conservation des espèces marines) a mis en place un système de compensation pour les pêcheurs, contre la promesse de ne pas tuer ces espèces protégées. Mais à Grand-Bereby, le constat est toujours le même : la population de poisson diminue drastiquement.
Les défenseurs de l’environnement demandent désormais la publication de décrets d’application pour réglementer plus précisément la pêche et l’aire marine protégée.