Problèmes de gouvernance, profits trop faibles pour les producteurs… Au Kenya, les agriculteurs se sont progressivement détournés de la culture du café. La production a chuté de plus de moitié depuis les années 1990. Des réformes avaient été lancées par l’ancien gouvernement, elles sont en train d’être mises en place par l’actuel.
L’objectif annoncé par le vice-président Rigathi Gachagua est ambitieux : quadrupler la production annuelle de café au Kenya d’ici cinq ans, soit passer des 50 000 tonnes métriques actuelles à 200 000. Et surtout, selon ses termes, « remettre de l’argent dans les poches des petits producteurs », en éliminant les intermédiaires notamment.
Rigathi Gachagua martèle le besoin de protéger les agriculteurs locaux des multinationales de négoce, qu’il qualifie de « cartels ». Il les accuse de trop peser sur le secteur, surtout sur ses prix. À travers leurs filiales, ces entreprises disposaient jusque-là de licences pour plusieurs étapes de la chaîne de valeur : la mouture, le courtage ou l’export notamment. Un des aspects de ces réformes vise justement à ce qu’une entité ne puisse plus posséder plusieurs licences. Un grand nombre d’acteurs n’ont ainsi pas vu la leur renouvelée à ce jour.
Un secteur immobilisé
Ce bras de fer entre le gouvernement et les entreprises de négoce a de fortes répercussions sur la filière. Les volumes de café vendus depuis la réouverture des enchères en août sont faibles. En partie, car la plupart des meuniers n’ont pas vu leurs licences renouvelées et stockent donc le café. Or beaucoup d’agriculteurs s’étaient déjà engagés dans un contrat avec eux et par manque d’options, certains ne vendent plus.
Les entreprises de négoce s’en inquiètent : il n’y a plus assez de café disponible à l’exportation. Couplé à un manque de prévisions, il y a un réel risque de pertes de marché selon eux. Certains acheteurs ont déjà commencé à se tourner vers la concurrence.
La filière tire la sonnette d’alarme
S’il y a bien consensus sur le fait que des réformes étaient nécessaires, plusieurs acteurs du secteur s’accordent à dire qu’elles ont été précipitées, qu’il y a trop de bureaucratie. Et surtout qu’elles se sont faites sans consultation avec la filière. Un représentant d’un syndicat agricole déplore par exemple que l’accent n’ait pas été davantage mis sur le renforcement des capacités des producteurs, aussi bien pour améliorer les quantités et la qualité du café que pour les aider à développer des réseaux de vente directe, plus rentable pour eux.
Tous en tout cas insistent sur l’urgence de débloquer la situation. Certains meuniers ont déjà alerté qu’ils allaient sinon bientôt être contraints de licencier. Le vice-président, Rigathi Gachagua, lui, insiste : ces réformes sont « inéluctables ».