La République centrafricaine vit depuis un mois au rythme d’une crise de carburant. À Bangui, certaines stations-service sont fermées. Et en province, dans certains villages comme à Bouboui à 45 km au nord de Bangui, il n’y a pas de stations-service. Il est difficile pour les opérateurs économiques et les usagers de s’en procurer, alors certains jeunes du secteur revendent du carburant acheté à Bangui. Si beaucoup sont soulagés par cette revente sur le marché informel, d’autres dénoncent des pratiques fallacieuses de certains revendeurs.
Dans la vallée de l’Ombella-M’Poko, le village de Bouboui est isolé entre les hautes herbes, les pierres et une étendue de verdure. Près de 2 000 personnes y vivent : des éleveurs, pêcheurs et commerçants qui animent le marché au bétail, l’un des plus importants du pays.
Mais depuis un mois, la crise du carburant a fortement impacté le bon déroulement des activités. Les usagers doivent leur délivrance à une dizaine de jeunes revendeurs. Devant un kiosque en bois, une vingtaine de bidons sont remplis d’essence. Les usagers font la queue pour s’approvisionner sous un soleil de plomb. Amos est un revendeur.
« Dans les stations de la capitale, le litre coûte 1 100 francs CFA. Je parcours les 45 km avec ma moto et je transporte généralement cinq bidons de 25 litres. Je paie aussi des sommes forfaitaires à chaque barrière. Ici, je revends le litre à 1 500 francs CFA pour compenser les tracasseries routières et avoir de quoi vivre », explique-t-il.
Une crise qui impacte la vie quotidienne
Problème : la demande dépasse l’offre. La crise du carburant provoque aujourd’hui la hausse des prix des marchandises et le mouvement de transport n’est plus fluide à Bouboui. Dans les ménages, les femmes comme Fidélia ne parviennent pas à moudre le manioc avec les machines à essence.
« Ce problème de carburant a un impact négatif sur ma famille. La plupart des moulins à manioc du village ont cessé leur activité. Les seuls qui fonctionnent grâce aux revendeurs nous imposent des tarifs exorbitants. Le petit seau de manioc qu’on a l’habitude de moudre à 50 francs CFA passe à 125 francs CFA. »
Les revendeurs jouent un rôle non négligeable à Bouboui mais certains panachent le carburant brut avec des produits indésirables comme de l’eau et des colorants. Alain-Blaise, un usager, se plaint de la moralité de quelques-uns. « Cette pratique n’est pas du tout normale. J’ai acheté ma moto à 700 000 francs CFA. Mais certains revendeurs mélangent le carburant avec de l’eau ainsi que des colorants pour augmenter la quantité et avoir beaucoup d’argent. Aujourd’hui, le moteur de ma moto ne marche plus », déplore-t-il.
Depuis le début de l’année, une vingtaine de dépôts de revendeurs de carburant ont pris feu à Bangui et à l’intérieur du pays, causant d’importants dégâts matériels. En juin dernier, le ministre de l’Énergie a pris la décision d’interdire la vente anarchique de carburant. Mais faute de stations-service dans les localités reculées comme à Bouboui, les revendeurs continuent d’approvisionner leurs villages en produits pétroliers.