Au nord d’Abidjan, dans la sous-préfecture de Tiassalé, on trouve un parc archéologique peu connu à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, mais inscrit sur la liste indicative du patrimoine de l’Unesco : le parc d’Ahouakro, qui s’étend sur 120 hectares. Il abrite des mégalithes – monuments préhistoriques – datés de -2300 à -2150 millions d’années avant notre ère. Il est fréquenté depuis quelques années par des touristes venus d’Abidjan, ivoiriens comme étrangers. Mais l’économie autour de cet écotourisme est opaque, et les habitants du village d’Ahouakro se plaignent de ne pas en voir les retombées.
Le parc d’Ahouakro est doté d’une végétation luxuriante, de mégalithes vieux et des vestiges de civilisations disparues. « Nous sommes dans un dolmen. Au-dessus de nos têtes, la table est portée par les sommets de ces trois panneaux, piliers, en plan incliné. Tout dolmen, dans le monde entier, a pour fonction sépulture, culturelle et religieuse. Mais ici, en Côte d’Ivoire, aucune recherche n’a encore été faite », indique Raymond Ekoum Kauphy, un habitant du village d’Ahouakro.
Ce sont des atouts qu’il a su transformer depuis quelques années en un business rentable en s’improvisant guide touristique. « Les visiteurs paient 1 000 francs CFA par tête pour les caisses du village, et le chef de terre, chargé des rituels, vous demande un gallinacé, par exemple un poulet, et une liqueur. Et l’ensemble des visiteurs se cotise pour donner un pourboire au guide que je suis », explique-t-il. « Je n’ai pas de statut, je ne suis pas rémunéré en tant que tel. Je suis patient, j’ai foi qu’un jour tout sera bien normalisé, structuré, pour que je puisse avoir un statut et un salaire pour vivre de ce que je fais. »
« On aimerait que les autorités nous donnent des subventions… »
Dans les faits, les groupes de visiteurs s’acquittent généralement de 15 à 20 000 francs CFA. Selon Raymond Ekoum Kauphy, le site reçoit 15 à 20 touristes par mois, jusqu’à 35 en période haute. Mais pour l’heure, l’économie touristique d’Ahouakro est opaque, et le guide est le seul à tenir les cordons de la Bourse, reconnaît le chef de terre, N’Guessan Kouamé.
« Le parc ne me rapporte quasiment rien, on ne reçoit pas de dons », regrette-t-il. « On aimerait que les autorités nous donnent des subventions. Les visiteurs viennent regarder les pierres et repartent, mais ce n’est pas moi qui les reçois, je ne sais pas combien ils sont. Ce que ça rapporte ? Je ne sais pas, c’est Raymond qui sait. »
« On ne gagne rien »
Cet argent, les habitants de ce petit village de planteurs disent n’en avoir jamais vu la couleur. L’un d’entre eux, Wilfried Brou Kouamé, s’est posé dans un petit maquis près de l’entrée du parc… Une bière à la main, il a l’habitude de voir défiler les touristes.
« Ça nous fait plaisir de voir les gens venir visiter notre site… Mais en réalité, nous, on ne gagne rien », constate Wilfried Brou Kouamé. « Il y a beaucoup de choses à faire [dans le village]. Il y a un manque d’électricité. On veut un château d’eau dans le village. On veut aussi que le village soit un peu bitumé, de Singrobo à Ahouakro, et que les rues aussi soient un peu goudronnées. Pas pour nous seuls, mais pour les visiteurs [aussi] ! »
Plus de 39% de la population ivoirienne vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale (2020). Un nombre en baisse depuis quelques années, sauf dans les zones rurales, où il a augmenté.