Au Sénégal, les bateaux qui assuraient la liaison entre Dakar et la Casamance, au sud du pays, sont toujours à l’arrêt. La mesure avait été initialement prise pendant les violentes émeutes de début juin pour des raisons de sécurité, mais aucune reprise n’est annoncée. Et dans la Casamance enclavée, cette suspension pèse sur les commerçants qui dépendaient de ces rotations pour écouler leurs marchandises.
En face du port de Ziguinchor, le restaurant Madiba est vide à l’heure du déjeuner. Il y a quelques mois, pourtant les clients se bousculaient. Les deux employées sont assises et passent le temps sur leur téléphone.
Néné Gueye a une vingtaine d’années. « Il y avait beaucoup de monde, même la terrasse devant était pleine. C’était très fréquenté. Il y avait des Sénégalais, des Occidentaux, des Peuls de Guinée, tous venaient ici. Mais il n’y a plus personne. C’était le bateau qui nous amenait les clients »
Avant la mise à l’arrêt des bateaux reliant Dakar à Ziguinchor, cinq personnes travaillaient au restaurant. Elles ne sont plus que deux. Néné est inquiète : « On a nos familles à charge, et on se prend aussi en charge. On a vraiment besoin de cet argent », insiste Néné.
À quelques mètres de là, au marché de l’escale, un ancien bâtiment colonial décati, c’est la même désolation pour les vendeuses qui attendent désespérément les clients… Fatoumata Konté y travaille depuis 30 ans. « On pouvait gagner jusqu’à 50 000 francs, mais aujourd’hui, on gagne à peine 20 000. Regarde les tables ! On ne vend plus. Avant, les gens venaient ici le matin pour acheter des citrons, des fruits de mer ou des poissons fumés avant d’embarquer. Maintenant, ils partent à la gare routière ou prennent l’avion et ne peuvent pas prendre grand-chose. »
Du bateau au bus
La rotation avait lieu quatre fois par semaine, et représentait une grande partie de la clientèle du marché. Les voyageurs se rabattent désormais sur le bus, tout comme les commerçants qui veulent envoyer leurs produits à Dakar. Les îles du fleuve Casamance profitaient de l’arrêt du bateau sur l’île de Carabane pour écouler leurs marchandises.
Amy Gueye, transformatrice de poisson sur l’île de Diogué a perdu beaucoup d’argent. « Moi, je paie aujourd’hui 70 kilos à 13 000 francs CFA, plus le porteur, 2 000 », soit près de 15 000 francs CFA. Auparavant, elle payait la moitié de cette somme pour envoyer son poisson fumé vers Dakar, environ 7 000 francs CFA. La capitale sénégalaise représente une grande partie de ses ventes.
Et pour l’instant, aucune date n’est connue pour la reprise des liaisons par bateau. « J’ai même appelé le celui qui est à Carabane. Il m’a dit qu’il [n’a pas de nouvelles] du bateau. Il ne sait pas pourquoi. On attend toujours. », regrette-t-elle.
Le bateau contribue grandement au désenclavement de la Casamance, région du Sud, séparée du reste du pays par la Gambie. La saison touristique reprendra en novembre, et tous les acteurs économiques espèrent la reprise des liaisons d’ici là.