Depuis une dizaine d’années, la permaculture gagne du terrain chez les petits agriculteurs et néoagriculteurs qui tentent de créer des cultures moins dépendantes de l’eau et plus adaptées aux changements environnementaux tunisiens. L’objectif : garantir une autosuffisance alimentaire à leur échelle, mais aussi arriver à vivre de leur agriculture, un secteur qui représente 10% du PIB en Tunisie et est composé à 80% de petits agriculteurs en gestion familiale.
En arrivant vers la ferme d’Amine Ben Abdallah, agriculteur céréalier, à une soixantaine de kilomètres de Tunis, le contraste est saisissant : ses cultures sont déjà verdoyantes malgré un été caniculaire. En face, des champs de blé étalés le long des versants des collines sont complètement asséchés
« Quand on a commencé à exploiter en 2007, c’était un champ de céréales, avec un sol mort, c’est-à-dire sans activité biologique et qui ne fonctionnait que si l’on mettait des tonnes d’engrais et de produits chimiques et petit à petit, comme vous voyez, on a commencé à retravailler, explique l’agriculteur. Et la première chose que l’on a faite, c’est des terrasses, des gros terrassements pour éviter le ravinement de l’eau, pour pouvoir retenir l’eau, la matière organique, et créer des micro-climats puis commencer à planter des arbres en ligne », détaille Amine Ben Abdallah.
« En face c’est un désert ! »
Ces techniques agro-écologiques et agro-forestières lui ont permis de continuer à assurer la production de céréales alors que cette année, le nord-ouest du pays a été gravement affecté par la sécheresse. La récolte céréalière a baissé de 66% à l’échelle nationale. « On continue maintenant à faire des céréales entre les rangées d’arbres, dans les terrasses. On voit déjà que l’herbe qui reste, elle est très importante, il y a beaucoup de matière organique alors que le champ d’en face, c’est un désert », constate l’agriculteur. Le champ d’en face, c’est celui de son voisin qui travaille en agriculture conventionnelle. « Chaque année, je vois sa terre avec l’eau qui, à chaque grosse pluie, part dans la rivière en bas, se ravine, s’érode et progressivement les rendements chutent », poursuit Amine Ben Abdallah.
Au sud de Tunis, Slim Zarrouk, expérimente aussi une agriculture écoresponsable sur d’anciennes terres familiales, dans la ferme d’El Berima. « Ce n’était pas un choix, précise-t-il. J’ai eu un incendie, il y a huit ans de cela et puis à l’époque, je m’intéressais à la permaculture. Ce n’était qu’un verger de citronniers. Je me suis décidé à diversifier un peu et d’appliquer les principes de la permaculture. Et c’est comme ça que tout a commencé. Donc ici, on a toutes les strates. On a la canopée, avec ici un arbre forestier. »
Un arbre sans fruits, mais qui sert à fixer l’azote du sol ou encore comme fourrage. Au pied de certaines cultures, des peaux de mouton, matière organique et paillage pour protéger le sol. Lui et Amine tentent de vivre des produits de leur ferme, en vendant directement au consommateur via l’Association tunisienne de permaculture qui forme les Tunisiens souhaitant se lancer dans ce type d’exploitation.