Ouvert depuis mai 2021, Hortivoire est un centre d’apprentissage de l’horticulture hors-sol situé à Tiébissou, financé par Agrifer et le gouvernement des Pays-Bas. Il suscite la curiosité de jeunes agriculteurs venus de tout le pays pour se former à cette technique maraîchère. Alors que les sols s’appauvrissent et que le pays importe 70% de ses légumes, le hors-sol promet de meilleurs rendements, l’économie des ressources en eau et une meilleure utilisation des intrants. Mais ce procédé, aussi appelé hydroponie, ne s’inscrit pas dans l’agriculture biologique et soulève également de nombreuses réticences.
Le lundi, c’est jour de cueillette. Les 35 apprenants reviennent des serres les bras chargés de cagettes de tomates de variété jarrah. Franck Akoumia, formateur à Hortivoire, salue leur belle couleur rouge corail et leur forme ogivale. « Ce que vous voyez ici, tout va à Abidjan, dans les restaurants, chez les Libanais, chez les Chinois, même à Bassam… La culture est prisée pour sa qualité ».
Autre avantage, ces légumes de meilleures qualités sont protégés des maladies présentes dans le sol, comme les champignons ou autres bactéries, « parce qu’on élimine, tout ce qui est maladies liées au sol », ajoute-t-il. « La culture hors-sol nous donne beaucoup d’avantage au niveau de la rentabilité, de la production, de la qualité et puis au niveau de la gestion de l’eau. Les matériels sont basés sur la durabilité aussi donc on peut avoir ces matériels de production sur plusieurs cycles. L’inconvénient unique, c’est seulement le coût d’investissement, c’est ça qui est peut-être l’inconvénient », ajoute-t-il.
Construction de l’abri, importation du film horticole et des bâches… Il faut compter environ 4 à 5 millions de francs pour installer une grande serre de 250 m2. À Hortivoire, elles sont au nombre de 6 sur une surface de 250 m2 chacune. Ouvertes sur les côtés, elles accueillent des plants de tomates mais aussi de concombres, de poivrons ou de piments. Ils grandissent dans de petits pots. À l’intérieur, il n’y a pas de terre mais principalement de la fibre de coco, produite localement ainsi que de l’eau fertilisée. « On a deux engrais qu’on appelle A et B qui est composée de tous les éléments nutritifs et on a un dosage bien précis pour faire la fertilisation de la pépinière jusqu’à la récolte », explique-t-il.
« Adapter la production »
La promesse de meilleur rendement, 6 à 10 fois plus important qu’en plein champ, attire les jeunes agriculteurs qui se forment à Koubi pendant trois mois. Ils sont nombreux à vouloir désormais s’équiper en serre. Jules You, le corps plié en deux, est en pleine séance de repiquage. Il est déjà producteur de manioc à Man et croit au hors-sol pour lutter contre l’insécurité alimentaire. « Parce que les pratiques plein-champs deviennent de plus en plus obsolètes à cause du fait que nous avons toujours les conflits fonciers… Donc comment durer ? Comment rester sur la scène agricole ? Il était important pour moi d’apprendre cette nouvelle technique agricole de sorte à toujours pouvoir adapter ma production », dit-il.
L’hydroponie est toutefois loin de faire l’unanimité chez les agronomes. L’utilisation des pesticides et des fongicides reste la norme pour protéger les plantes, tandis que la culture hors-sol ne favorise pas l’épanouissement du microbiote des sols. Une solution à court terme donc, un pansement qui ne permettra pas aux sols, très appauvris, de se régénérer.