Transformer des déchets plastiques en carburant. C’est le pari que s’est lancé une start-up kényane, Progreen Innovations. Elle utilise la technique de la pyrolyse. Les plastiques sont chauffés à une température très élevée, sans oxygène. Le combustible qui en sort est ensuite raffiné, chauffé une deuxième fois. Le résultat final peut être utilisé pour plusieurs types de moteurs. Reportage.
Depuis deux ans, James Muritu expérimente. Ces recherches ont permis à cet ingénieur informatique de fonder Progreen Innovations. Tout se passe dans son jardin à une cinquantaine de kilomètres de Nairobi. Un four relié à plusieurs tuyaux y trône fièrement. Une forte odeur de plastique brûlé s’en dégage. James Muritu détaille le processus : « Nous sommes en train d’incinérer du plastique. Vous voyez le contrôleur de température ici ? C’est à 500 degrés Celsius. Le liquide passe par tous ces tuyaux, puis on le collecte ici. Là, c’est du pétrole brut qui sort. On le voit, ça ressemble à celui que l’on extrait des sols. C’est ce liquide qui va ensuite être raffiné pour faire du carburant. »
Une méthode prometteuse
Progreen Innovations peut produire jusqu’à 1 000 litres de combustible par semaine, grâce à la pyrolyse. Pas besoin d’électricité. La chaleur est obtenue à partir de biomasse, des déchets végétaux. Le processus permet d’obtenir deux sortes de carburant. « Il y a l’essence alternative, pour des moteurs à faible combustion, comme les pompes à eau, les générateurs ou les tondeuses à gazons, explique James. Et le diesel alternatif, qui lui fonctionne pour les moteurs diesels plus puissants, comme les voitures. Je l’utilise pour la mienne d’ailleurs ! » Le plastique provient des déchets des villages alentours. Il est trié avant d’être brûlé. James Muritu s’en targue : son système évite que ces plastiques ne se retrouvent dans l’environnement. La méthode de la pyrolyse est toutefois source de controverses.
« Mieux que de balancer des plastiques dans l’océan »
C’est ce qu’explique Damien Guironnet, professeur en chimie à l’université de l’Illinois aux États-Unis : « L’idée du recyclage, c’est de transformer un plastique en plastique. Le problème de la pyrolyse, c’est qu’on utilise du pétrole, on fait du plastique, ça coûte beaucoup d’énergie et ensuite, on transforme ce plastique encore en pétrole. On peut, c’est vrai, utiliser l’huile de pyrolyse pour faire à nouveau du plastique, mais au final, on aura perdu beaucoup d’énergie. Et tout ce qui est énergie veut dire rejeter du gaz carbonique dans l’atmosphère. Suivant quel plastique on utilise dans la pyrolyse, le vinyle va rejeter du chlorure d’hydrogène, et c’est super nocif pour l’environnement. Et donc toutes ces petites avancées, la pyrolyse avec de la biomasse, ce n’est pas la solution, mais ça reste mieux que de balancer les plastiques dans l’océan. »
Seulement 9% des déchets plastiques sont recyclés. Les défenseurs de l’environnement s’accordent à le dire : la meilleure solution reste d’en limiter la production. À noter que les carburants de Progreen Innovation ne sont pas encore commercialisés. Ils doivent d’abord être certifiés par le Bureau des normes du Kenya.