Au Sénégal, on croule sous les mangues. Mais des tonnes de fruits sont perdues chaque année, faute de transformation locale, faute de moyens et d’infrastructures suffisantes. Un important projet d’agropole pourrait apporter un début de solution.
Dans l’unité de transformation de Siranding Touty Sané, à côté de Ziguinchor, la saison de la mangue touche à sa fin. Sur une table, du thiakry, une farine de mil parfumé à la mangue est en train de sécher. Ici, la mangue prend une dizaine de formes différentes. « On a la confiture, le nectar, la mangue séchée, la moutarde de mangue. On fait aussi du ketchup… », énumère Siranding.
La Casamance croule sous les mangues et représente plus de la moitié de la production nationale. Mais chaque année, des tonnes de fruits pourrissent par terre. « Ce n’est pas le savoir qui manque. Il y a pas mal de femmes qui sont formées pour la transformation. Mais l’espace manque aussi beaucoup envers les femmes pour avoir des unités de référence. Les quelques unités qui existent n’ont pas assez d’équipement, parce qu’ils sont lourds et coûteux. » Le séchoir que Siranding utilise pour ses mangues est ancien et ne lui permet d’en transformer que 15 kilos par jour.
Une perte massive de production
À Bignona, le Groupement d’intérêt économique (GIE) Casaécologie de Maimouna Sambou créé en 2001 rencontre des difficultés similaires. Son produit phare : la pulpe de mangue. Cette année, un client lui en avait demandé 50 tonnes. Mais elle a dû refuser, faute de capacités de stockage suffisantes. « Mes sept congélateurs ont une contenance d’environ trois tonnes. Je suis capable de produire cinquante tonnes de plus annuellement. Pour pouvoir faire cela, il faudrait des chambres froides ou d’autres congélateurs », assure Maimouna.
Les transformatrices ont également des soucis pour écouler leurs marchandises dans une région enclavée, mais aussi pour trouver des emballages de qualité ou pour accéder aux financements. « Le taux d’intérêt est cher. Deuxièmement, quand vous déposez une demande de prêt, ça traîne. On vous accorde ça au moment où les produits sont finis », déplore Siranding Touty Sané. Tout comme Maimouna, elles dépendent encore beaucoup de partenaires étrangers. Le lancement de cinq agropoles dans le pays pourrait apporter des solutions.
L’agropole sud pour créer une synergie
En Casamance, il y aura plusieurs modules de groupages et une grosse plateforme de transformation industrielle pour les petits producteurs et des industriels. L’objectif : encourager la transformation locale pour créer de la valeur ajoutée et de l’emploi. « C’est vraiment, dans l’agropole, de permettre à ces unités de transformation de ne pas forcément être obligées d’aller se délocaliser dans les zones de transformation, mais qu’ils puissent nouer des relations d’affaires par rapport aux industries ou aux usines, qui vont se localiser au niveau de ces zones de transformation », explique Ousseynou Konaté, coordonnateur de l’agropole sud
Cinquante-trois milliards de francs CFA ont été investis par l’État pour l’agropole sud, qui devrait être lancé d’ici juin 2024, et devrait profiter à 65 000 ménages.